Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
GÉNÉRATION SPIRITUELLE DE RENÉ GUÉNON
1. Quelques-unes de ces indications sont parfois difficiles à expliquer sans risque d’erreur, en tout cas pour nous et pour l’instant du moins, comme celle figurant à la fin d’un compte rendu d’août 1946 dans lequel, répondant à l’un de ses habituels contradicteurs, il déclare : « Nous pouvons lui assurer qu’il y a d’excellentes raisons, et qui ne datent certes pas d’hier, pour que nous connaissions beaucoup mieux que lui les deux saints Jean et leur rôle solsticial ! »
2. Il fit cependant directement et publiquement mention de sa propre réalisation au moins une fois dans un article en parlant du caractère autrement formidable de la « réalisation métaphysique » que ne peut le penser ni même en avoir le moindre soupçon quelqu’un « qui se figure que nous ne sommes qu’une sorte de théoricien. » (« Atlantide et Hyperborée », Le Voile d’Isis, octobre 1929) À l’intention de correspondants qui se plaçaient eux-mêmes à un point de vue « un peu trop exclusivement “théorique” » et qui ne tenaient pas assez « compte de certaines “réalités” », il s’éleva à de nombreuses reprises contre l’idée qu’il ne fût qu’une « sorte de théoricien de cabinet ou de bibliothèque » ; « tel n’est pas le cas, bien loin de là », précisait-il dans une lettre du 6 mars 1932.
3. Cf. Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, ch. XVI.
4. Cf. « Des conditions de l’initiation » ; repris comme chapitre IV des Aperçus sur l'Initiation.
5. Cf. Orient et Occident, ch. IV, deuxième partie ; Aperçus sur l’Initiation, ch. X ; Initiation et Réalisation spirituelle, ch. V, XX et sa notice sur les Pages dédiées à Mercure par Abdul-Hâdî, rééditée en appendice du chapitre V du même ouvrage.
6. Sachant que Prakriti ne peut être fractionnée, aucun des trois gunas n’est totalement absent chez les êtres. Néanmoins, en Occident, à la fin du Kali-Yuga, la nature dominante de la plus grande majorité est « rajasique » (Vîrabhâva) ou/et « tamasique » (Pashubhâva).
7. Une sâdhanâ est l'exercice continu d'une méthode de réalisation spirituelle. Cf. L’enseignement de Râmakrishna, 331, 879, 1159, 1225, 1395, (Paroles groupées et annotées par Jean Herbert, Paris, 1972). Sur les premières éditions de cet ouvrage, on se reportera à l’appréciation de Guénon dans Etudes sur l'Hindouisme et à celle d' A. K. Coomaraswamy dans une lettre du 11 août 1947 (Selected Letters of Ananda Coomaraswamy, p. 41, New Delhi, 1988). Une distinction similaire est bien connue dans l’ésotérisme islamique. Ghazâlî, pour citer un auteur parmi d’autres, différencie ceux qui parcourent tous les degrés distincts de la progression et de l’ascension spirituelle d’avec ceux dont le cheminement a été court en parvenant immédiatement à la connaissance de la sainteté et de la transcendance : « Ils ont été alors envahis dès le début par ce qui n’arrive aux autres qu’à la fin, et assaillis d’un seul coup par la manifestation divine (tajallî). » (Le Tabernacle des Lumières (Michkât al-Anwâr), ch. III, traduction de l'arabe et introduction par Roger Deladrière, Paris, 1981)
8. Cf. Initiation et Réalisation spirituelle, ch. XXII.
9. On sait qu’aux trois gunas correspondent des couleurs symboliques et que sattwa est représenté par le blanc. Si certains noms expriment encore, parfois, la nature profonde des êtres, on peut alors rappeler que le nom avec lequel il signa ses livres vient du celtique gwen qui veut dire « blanc » ou « lumineux. » Le mot celtique gwenan, de même racine, désigne l’ « abeille. » Selon Pline, ce sont des abeilles qui se posèrent sur la bouche de Platon pour lui insuffler la Sagesse. C’est un symbole de l’inspiration divine. (Cf. Robert Triomphe, Le lion, la vierge et le miel, Deuxième partie, ch. VII, Paris, 1989) Dans les légendes occidentales, il est dit que « l’abeille nous est restée du Paradis perdu : elle est le seul animal que nous ayons reçu de là-bas. » (O. Dähnhardt, Natursagen eine Sammlung naturdeutender Sagen, Märchen, Fabeln und Legenden, p. 215, Leipzig und Berlin, 1907-1910, cité par Marlène Albert-Llorca, « Les “servantes du Seigneur” », Terrain n° 10, avril 1988).
10. Dans des lettres du 14 mars 1937 et du 31 janvier 1938, Guénon fait correspondre cette modalité initiatique aux « Solitaires », catégorie d’initiés qui dépendent directement du Centre suprême dans l’ésotérisme islamique. (Cf. Initiation et Réalisation spirituelle, Appendice au ch. V) Cette relation directe explique sa déclaration figurant dans un compte rendu de décembre 1947 : « Nous n’avons point à “chercher la vérité” ici ou là, parce que nous savons (et il nous faut insister sur ce mot) qu’elle est également dans toutes des traditions. » Dans une lettre du 2 août 1949, il précise que la voie des Solitaires « est quelque chose de tout à fait exceptionnel, et personne ne peut la choisir par lui-même ; il s’agit d’une initiation reçue en dehors des moyens ordinaires et appartenant en réalité à une autre chaîne [que celle de la transmission “historique” ]. » Il ajoute que dans l’ésotérisme hébraïque, la distinction entre le Pôle et le « Maître des Solitaires » s’exprime à travers la dualité de Metatron et Sandalphon, les « deux frères “doués d’une perpétuelle jeunesse” » précise-t-il dans une autre lettre du 20 février 1950.
11. Aperçus sur l’Initiation, ch. X. Dans une lettre du 18 avril 1949, il écrivait : « Quant à une initiation reçue en dehors des voies ordinaires de rattachement à une organisation connue, il y en a certainement eu des exemples, mais ce ne sont là que des exceptions extrêmement rares, et personne ne peut compter qu’il se trouvera dans un pareil cas pour se dispenser d’un rattachement normal ; penser autrement serait se faire les plus graves illusions. »
12. Cf. Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, ch. II, V, X ; Orient et Occident, ch. IV ; Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. VIII ; La Crise du Monde moderne, ch. III et IV ; etc. Il précise que c’est dans le cœur que réside l’intuition intellectuelle (cf. Symboles fondamentaux de la Science sacrée, ch. LXIX). Dans l’article de 1929 que nous avons déjà cité, il mentionnera « l’intuition intellectuelle » en faisant publiquement et directement référence à sa propre réalisation : « Il n’y a pas d’autre intuition véritable que l’“intuition intellectuelle”, d’ordre supra-rationnel ; il y a d’ailleurs là quelque chose d’autrement formidable que ne peut le penser quelqu’un qui, manifestement, n’a pas le moindre soupçon de ce que peut être la “réalisation métaphysique”, et qui se figure probablement que nous ne sommes qu’une sorte de théoricien, ce qui prouve une fois de plus qu’il a bien mal lu nos écrits. » (Cf. art. cit., Le Voile d’Isis, octobre 1929)
13. Dans le Coran, la sourate al-Fath (« La Victoire ») est la quarante-huitième, mais elle est en réalité la cent onzième dans l’ordre de la révélation. C’est donc une sourate « polaire » (qutbâniyyah), ce qu’atteste encore le fait qu’elle contient le verset par la récitation duquel s’opère, selon sa modalité habituelle, la transmission initiatique dans l’ésotérisme islamique. (Sur le symbolisme du nombre 111, cf. « Un hiéroglyphe du Pôle », Les Symboles fondamentaux, ch. XV)
14. C’est le terme al-Ishrâq (« l’Illumination ») qui figurait en arabe sur la couverture de la revue La Gnose. Les autres étaient, en sanskrit : Jñâna (Connaissance) ; en chinois : Tao et en hébreu : Da’at (Connaissance). Ce qui montre, s’il en était besoin, que le titre de la revue voulait bien signifier « Connaissance » et non « Gnosticisme. » Voir aussi, R. A. Stein, « Illumination subite ou saisie simultanée. Note sur la terminologie chinoise et tibétaine », Revue de l’histoire des religions, t. 179, n° 1, pp. 3-30, 1971.
15. L’intervention du Centre suprême est représentée pour lui de manière évidente par la montagne Arunachala, qui fut, comme il le disait lui-même, son guru non-humain. (Cf. Arthur Osborne, Ramana Maharshi and the Path of Self-Knowlege, ch. XIV, trad. franç., Paris, 1957) Dans le Skanda Purâna, Arunachala, la Montagne rouge de la Sagesse, est appelée « Cœur du Monde » et « Secret et centre sacré du cœur de Shiva » (cf. Ramana Maharshi, Œuvres réunies, Paris, 1979). A propos de guru non-humain, il y a en Occident le cas de saint Bernard qui, d’après La Légende dorée, n’eut jamais d’autres maîtres que les chênes et les hêtres. On connaît le symbolisme polaire du chêne (cf. Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. IV) ; quant au hêtre, il faut remarquer que dans la plupart des langues germaniques, le mot qui sert à le désigner ressemble étroitement à celui qui désigne le livre (all. Buch : livre, et Buche : hêtre) ; en vieil-anglais boc désignait aussi bien le « hêtre » que le « livre. » C’est le rapport du symbolisme de l’« Arbre de Vie » avec celui du « Livre de Vie » qui éclaire le sens profond de ce double sens. C’est également à ce symbolisme que se rattache la mention du hêtre par Virgile au premier vers des Bucoliques et au dernier vers des Géorgiques (Sur l’arbre comme « Axe du Monde », cf. Jean-François Poignet, « Visions médiévales de l’Axe du Monde », Revue de l'histoire des religions, t. 205, n° 1, p. 27, 1988).
16. On peut probablement identifier l’énigmatique « personne de bel aspect, entourée d'une lueur rouge, qui portait le cordon sacré », dont elle eut l'apparition à Bajipur, comme un représentant du Centre suprême. (Cf. Mâ Anandamayî Lîlâ, Memoirs of Hari Ram Joshi, ch. II, Calcutta, 1974) En Occident, il y a l'exemple connu, cité par Guénon, de Jacob Bœhme dont le contact avec le Centre du Monde « fut établi par la rencontre d'un personnage mystérieux qui ne reparut plus par la suite. » (Aperçus sur l'Initiation, ch. X et Initiation et Réalisation spirituelle, ch. V) Dans l’ésotérisme islamique, les interventions du Centre spirituel suprême sont généralement représentées par la fonction du Khidr, tandis que dans l’ésotérisme hébraïque, c’est à Élie qu’elles sont rapportées ; dans cette tradition, celui-ci correspond d’ailleurs à Sandalphon, tandis que Metatron est en relation avec Hénoch.
17. À leur sujet, on peut notamment consulter les ouvrages de M. Michel Chodkiewicz.
18. Il faudrait une autre occasion pour traiter de ce que l’on pourrait appeler la « Communauté universelle des Saints. » C’est « la Nef Rouge » ou « l’Arche Céleste » à laquelle fait allusion Nasafî dans son Traité sur l’Homme Universel.
19. Cf. « Sagesse innée et Sagesse acquise. » Dans une lettre du 14 août 1921, il précise : « j’ai, à défaut de beaucoup d’autres prétentions, celle d’être capable de ne parler que de ce que je connais et dans la mesure où je le connais, et, sur tout le reste, de savoir garder le silence. » Selon l’Émir 'Abd el-Kader, savoir reconnaître son ignorance constitue la moitié du savoir (Cf. Écrits spirituels, ch. 10, présentés et traduits de l’arabe par Michel Chodkiewicz, Paris, 1982).
20. Cette conjonction correspond symboliquement, selon une de ses multiples significations, à ce « Confluent des deux Mers (majma’ al-bahrain) » mentionné au verset 60 de la sourate XVIII du Coran, c’est-à-dire à la station spirituelle des Solitaires. Ce « Confluent » est le lieu où se tient le détenteur, perpétuellement vivant, de la science infuse qui a le poisson pour symbole. Cette correspondance symbolique explique l’allusion de R. Guénon à Coomaraswamy à propos d’al-Khidr dans une lettre du 5 novembre 1936.
20bis. Sa conférence sur « L'enseignement initiatique » faite à la Loge Thébah le 7 octobre 1912, publiée sous son nom dans Le Symbolisme de janvier 1913, est une exception. Elle était réservée à un milieu maçonnique (cf Science sacrée, n° 5 - 6, p. 8, mai 2004).
21. Repris au chapitre XXVII des Aperçus sur l’Initiation. Il y avait déjà fait allusion en mars 1931, dans une réponse à un de ses contradicteurs, au sujet de son emploi du « nous » dont, rétorquait-il, outre la question d’usage et de convenance, le « pluriel se trouve être susceptible d'une intéressante signification initiatique. » En février 1933, en répliquant à des attaques qui visaient ses débuts, il affirmait encore « que ceux de nous qu’elles prétendent viser sont morts depuis bien longtemps ! » La mortalité affectant ces « entités » nous semble remettre en cause une hypothèse selon laquelle celles-ci correspondraient à ce que le Lamaïsme désigne sous le nom de tulkous, c'est-à-dire soit des projections de principes spirituels, soit des agrégats psychiques.
22. La précocité de R. Guénon est bien connue. À l’âge de vingt-quatre ans, au Rite Écossais, on lui avait déjà fait la réputation de connaître la Maçonnerie mieux que beaucoup de membres du Suprême Conseil. Signalons au passage que c’est Oswald Wirth qui empêcha qu’il fasse partie du Suprême Conseil. Par pure mesquinerie, il avait promis que tant qu’il serait vivant, il s’y opposerait. Jean Reyor a fait remarquer que l’article « Le Démiurge », paru à partir de novembre 1909, alors qu’il avait vingt-trois ans, témoigne déjà d’une connaissance du Vêdânta. Il considère qu’ « il faut donc bien admettre que Guénon a eu, dès sa prime jeunesse, un contact avec un ou des représentants qualifiés de la tradition hindoue et plus spécialement de l’école Vêdânta adwaita. » Il ajoute que « la période de formation précédant la création de La Gnose où se trouve déjà en germe toute l’œuvre doctrinale des vingt années suivantes, peut avoir commencé en 1904-1905, dès l’arrivée à Paris » (« En marge de “La vie simple de René Guénon”, Etudes Traditionnelles, janvier-février, 1958). Dans son compte rendu d'un livre de Robert Ambelain, Dans l'ombre des cathédrales, paru en 1946 (mars-avril), il évoque des souvenirs, dont il dit que « cela doit dater de quarante ans », ce qui amène à 1906.
23. Il reçut de l'un de ses maîtres hindous une chevalière en or, gravée du monosyllabe sacré Om, qu’il porta jusqu’à sa mort. Dans une lettre du 21 octobre 1933, il disait que Shankarâchârya « dépasse tous les cadres où on voudrait prétendre l’enfermer. » On peut voir dans cette remarque un écho à sa déclaration, à propos de lui-même, selon laquelle « aucune “étiquette” occidentale ne saurait lui convenir. » Ce qui correspond à la remarque selon laquelle Shankara n’était pas exclusivement Shivaïte, Vishnuïte ou Shakta, mais le meilleur d’entre eux et pour lesquels il a institué les méthodes les plus appropriées.
24. « La caste n’est pas strictement héréditaire en principe, quoiqu’elle ait pu le devenir le plus souvent en fait et dans l’application. » (Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. I)
25. Cf. « Varna », Le Voile d’Isis, novembre 1935. Au chapitre III d’Autorité spirituelle et pouvoir temporel, il disait qu’« il y a toujours quelque chose de comparable à l’institution des castes, avec les modifications requises par les conditions propres à tel ou tel peuple. » Au chapitre VI de l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, il avait déjà signalé que « la distinction des castes est parfois appliquée, par transposition analogique, non seulement à l’ensemble des êtres humains, mais à celui de tous les êtres animés et inanimés que comprend la nature entière. »
26. On se souvient qu’il a précisé par écrit à André Préau qu’il avait reçu un enseignement oral des doctrines hindoues. L’accès régulier à l’étude des Écritures sacrées, c’est-à-dire au Vêda, constitué par le Rig-Vêda, le Yajur-Vêda, le Sâma-Vêda et l’Atharva-Vêda, est réservé à ceux qui possèdent les qualités d’ârya et de dwija (« deux fois né » par réception de l’upanayana). L’étude du Vêda est interdite aux serfs (shûdras), aux hors-castes (chândâlas) et aux « barbares non-hindous » (mlecchas) : « Que l’on verse du plomb fondu et de la laque dans les oreilles de celui qui a écouté le Vêda » ; « on doit lui couper la langue s’il prononce les paroles du Vêda ; on doit lui sectionner le corps s’il les mémorise. » (Michel Hulin, Shankara et la non-dualité, p. 168, Paris, 2001) On sait que c’est sur les textes védiques – et non sur les Tantras – que s’appuient les écrits de Guénon, tant dans ses premiers articles que dans ses grands livres comme l’Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, ou comme l’indique son titre même : L’Homme et son devenir selon le Vêdânta. Dans « Le Démiurge », en 1909, Palingénius fait appel au Vêdânta en le qualifiant de « plus orthodoxe de tous les systèmes métaphysiques fondés sur le Brahmanisme » et en citant l’Atmâ-Bodha de Shankarâchârya. C’est d’ailleurs dans le prolongement de Shankarâchârya que s’inscrit sa critique initiale de certaines branches du Bouddhisme. S’il consacre un chapitre de l’Introduction générale au Shivaïsme et au Vishnuïsme (chap. VII), il n’en consacre aucun au Shaktisme qu’il ne mentionne qu’en passant.
27. « L’homme qui a atteint un certain degré de réalisation est dit ativarnâshramî, c’est-à-dire au-delà des castes (varnas) et des stades de l’existence terrestre (âshramas) ; aucune des distinctions ordinaires ne s’applique plus à un tel être, dès lors qu’il a dépassé effectivement les limites de l’individualité, même sans être encore parvenu au résultat final. » (Op. cit, ch. XXII. C’est nous qui soulignons)
28. Il dédiera à neuf d’entre ces grandes figures hindoues des poèmes métaphysiques et initiatiques. Dans une lettre du 12 février 1939, à propos d’un rattachement initiatique d’Aurobindo, il écrivait : « je pense, sans pouvoir l’affirmer, que, dès la première partie de sa vie, il avait dû recevoir quelques transmissions de Tilak lui-même, comme cela a été le cas pour d’autres que j’ai connus… » Le 12 mars 1938, il avait précisé qu’il n’avait jamais rencontré Aurobindo, « bien que nous ayons eu jadis un ami commun ; cela remonte d’ailleurs à près de 30 ans ! », ajoutait-il. Dans une autre lettre du 4 septembre de la même année, il écrivait : « Pour ce qu’il dit de Tilak, il s’exagère sûrement le degré que celui-ci avait atteint, bien qu’il ait eu des connaissances très réelles. Cette sorte d’initiation qu’il a reçue de lui paraît bien être quelque chose comme la transmission d’un mantra, avec l’influence spirituelle qui y est spécialement attachée, plutôt qu’une initiation d’un ordre plus étendu et plus complet. – Celui qui l’a préparé à son admission n’est-il pas Damodar Vinayak Savarkar ? Tout cela me rappelle de bien vieux souvenirs, d’une trentaine d’années environ… » Dans une lettre du 10 février 1939, il notait : « Sur Tilak lui-même, j’ai remarqué qu’il y avait, parmi ceux qui l’ont connu personnellement, des opinions extrêmement différentes : certaines vont jusqu’à le considérer comme un “jîvan-mukta”, tandis que d’autres prétendent qu’il n’a jamais été rien d’autre qu’un simple “scholar” ; il me semble qu’il y a là exagération à la fois dans un sens et dans l’autre... » D’aucuns, témoignant de cette « véritable haine du secret et de tout ce qui y ressemble de près ou de loin », propre à la mentalité moderne, n’admettent pas d’ignorer les noms des maîtres hindous de R. Guénon. Celui-ci n’étant « ni un traître ni un espion », comme il l’écrivait à un de ses correspondants, on ne voit pas pourquoi il aurait dû livrer les noms de ses maîtres orientaux en pâture au public et à la malveillance de certains individus qui le composent inévitablement, sans parler du fait qu’il pouvait avoir pris un engagement auprès d’eux sur ce point.
29. Orient et Occident, ch. IV, deuxième partie. Il y insiste dans sa « Conclusion » : « Ce que nous sommes intellectuellement, c'est à l’Orient seul que nous le devons. » (p. 225) Dans l’avant-propos de l’Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, il avait déjà indiqué qu'une des raisons qu’il avait eu d’écrire ce livre « serait de reconnaître en quelque façon tout ce que nous devons intellectuellement aux Orientaux, et dont les Occidentaux ne nous ont jamais offert le moindre équivalent même partiel et incomplet.» Il disait encore dans une lettre du 17 août 1924 : « Fort heureusement pour moi, j’ai connu les doctrines de l’Orient à une époque où j’ignorais à peu près complètement la philosophie de sorte que, quand j'ai étudié celle-ci, elle ne pouvait avoir aucune prise sur moi. J’y ai fait allusion à la fin d’Orient et Occident, parce que je tiens à ce qu'on comprenne bien que je ne suis pas allé de la pensée occidentale à la pensée orientale, mais que je suis, intellectuellement, tout à fait oriental. »
30. « La fonction de René Guénon et le sort de l'Occident », Etudes traditionnelles, juillet à novembre 1951.
31. Il ajoutait : « L’Hindouisme, le Taoïsme et l’Islam, ces trois formes principales du monde traditionnel actuel, représentant respectivement le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient et le Proche-Orient, qui sont, dans leur ordre et sous un certain rapport, comme les reflets des trois aspects de ce mystérieux Roi du Monde dont justement René Guénon devait, le premier, donner la définition révélatrice, projetèrent les feux convergents d’une lumière unique et indivisible que jamais œuvre de docteur n’eut à manifester aussi intégralement et amplement sur un plan dominant l'ensemble des formes et des idées traditionnelles. » (Ibid.)
32. Cf. La Crise du Monde moderne, ch. II et « L’Esprit de l’Inde » dans Etudes sur l’Hindouisme.
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Il est contenu dans l'édition imprimée du numéro 1
et du Recueil annuel 2016 des Cahiers de l'Unité
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juillet-août-sept. 2024