Numéro 17
Janvier, février, mars 2020
édition brochée, 218 illustrations et photographies, couleur, papier couché 120 g, format 19x25, 112 p.
44 €
Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles
Cahiers de l’Unité
NOTES
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1. La renommée de ces maîtres dans nos pays, en particulier en France, doit beaucoup à la traduction de leurs enseignements en français dans la collection « Spiritualité vivantes » (chez l’éditeur Albin Michel), sous la direction et le plus souvent par Jean Herbert lui-même, qui fut justement disciple d’Aurobindo.
2. C’est en 1937 que René Guénon a eu l’occasion de mentionner Aurobindo publiquement pour la première fois, dans un compte rendu de la traduction française de ses Aperçus et Pensées, et son jugement était alors très favorable : « (…) tout cela, qu’il est évidemment impossible de résumer, est à lire et surtout à méditer. Il faut espérer que cette traduction sera suivie de celle d’ouvrages plus importants d’un homme qui, bien qu’il présente parfois la doctrine sous une forme un peu trop «modernisée» peut-être, n’en a pas moins, incontestablement, une haute valeur spirituelle ». Dans les années suivantes, il a continué à recommander la lecture de sa correspondance (Lights on Yoga et Bases of Yoga, 1938), de son commentaire de l’Isha-Upanishad (1938) ou de la Bhagavad-Gîtâ (« Ce que la Gîta peut nous donner », 1939). À chaque fois, il regrettait une certaine tendance à utiliser un mode d’expression et de présentation trop « moderniste », que l’on pouvait attribuer à l’éducation occidentale d’Aurobindo, qui avait grandi au Royaume-Uni, mais il soulignait que cela n’enlevait nullement de la valeur à ses propos sur le fond. En 1938, il devait même faire publier dans les Études traditionnelles la traduction d’un chapitre d’un petit livre d’Aurobindo intitulé The Mother, consacré à la présentation de quelques aspects de la Shakti.
Ce n’est que par la suite que Guénon a dû constater publiquement une évolution inquiétante dans les textes publiés sous le nom de Shrî Aurobindo, après à la parution d’une brochure écrite dans un style tout à fait néo-spiritualiste sans rapport avec ses premiers livres : « un article publié sous la signature de Shrî Aurobindo nous a causé un pénible étonnement ; nous disons seulement sous sa signature, parce que, jusqu’à nouvel ordre, nous nous refusons à croire qu’il soit réellement de lui (…)pour dire toute la vérité, il y a déjà longtemps que nous nous demandons quelle peut être au juste la part de Shrî Aurobindo lui-même dans tout ce qui paraît sous son nom » (Compte rendu de la revue « France-Orient » de juin 1945). En réalité, dans sa correspondance, il avait dès 1931 émit de sérieuses réserves sur l’entourage du yogi de Pondichéry. Le 4 juin 1931, il écrivait à son propos : « (...) ce qui a paru sous son nom a été arrangé par un entourage dans lequel il y a, hélas !, des éléments déplorables (quelques Français notamment) ; c’est à peu près la même histoire que celle de Râmakrishna... ». Le 25 octobre de la même année, il ajoutait : « je dois dire que ce sont les éléments européens et surtout féminins de son entourage que je suspecte plus particulièrement ». Puis, le 16 mai 1936 : « Ce que je sais, c’est qu’il y a autour de lui tout un groupe de Français sur lesquels j’ai les plus mauvais renseignements et dont le rôle paraît très suspect ; on dit que ces gens ne laissent approcher de lui que qui leur plaît, et même que ce sont eux qui rédigent en réalité ce qui est publié sous son nom. Comment se fait-il qu’il puisse subir un pareil entourage ? Il y a là quelque chose que je n’arrive pas à m’expliquer. » Le 17 novembre : « Ce n’est pas qu’Aurobindo Ghose soit si occidentalisé, mais c’est son entourage, en bonne partie français, qui est terrible, “arrangeant” ce qui se publie sous son nom, empêchant de l’approcher les gens qui ne plaisent pas aux “disciples”, etc. Je ne me suis jamais bien expliqué cette bizarre situation... ». Nous verrons dans cette étude que ce constat témoignait de la qualité de ses informations.
Dans d’autres lettres, il devait également revenir sur les problèmes posés par la terminologie souvent trop moderniste et imprécise d’Aurobindo, notamment le 12 février 1939 : « Les articles d’Aurobindo ont produit chez les lecteurs des réactions non seulement très différentes, mais même tout à fait contraires, à en juger par les lettres que j’ai reçues de divers côtés : tandis que les uns les apprécient comme vous, d’autres s’en déclarent déçus et me reprochent même d’avoir, dans les comptes rendus de ses livres, présenté les choses d’une façon trop favorable ! À vrai dire, je crois qu’il n’explique pas suffisamment sa terminologie et que cela peut donner une certaine impression de vague... ».
Nous pouvons enfin mentionner ici le fait que René Guénon a fait état, dans sa correspondance, d’avoir eu un ami commun avec Aurobindo, le 12 mai 1938 : « Tant mieux si vous pouvez entrer en relation avec Sri Aurobindo ; vous me tiendrez au courant... En ce qui me concerne, l’occasion ne s’en est jamais présentée, bien que nous ayons eu jadis un ami commun ; cela remonte d’ailleurs à près de 30 ans ! ». En 1947, il devait préciser, à propos d’un tableau se trouvant dans son appartement à Paris : « Le grand tableau que vous avez vu est d’un ami hindou (qui était aussi un ami de Shrî Aurobindo) qui me l’avait laissé quand il est parti pour l’Amérique, et dont je n’ai d’ailleurs plus eu de nouvelles depuis bien des années (...) ».
3. Calcutta, capitale du Bengale, était alors la capitale du British Raj, le régime colonial britannique indien, et la porte d’entrée de la Compagnie britannique des Indes orientales (British East India Compagny). C’est ici que commença véritablement la conquête de l’Inde par les Anglais, après la victoire britannique de 1757 à la bataille de Plassey, au nord de Calcutta (c’est également à la suite de cette bataille que la France perdit définitivement ses possessions en Inde, en-dehors de ses cinq fameux « comptoirs » de Pondichéry, Chandernagor, Mahé, Yanaon et Karikal). À partir de là, l’East India Compagny, au départ entreprise spécialisée dans la soie et les épices, devait forcer l’empereur moghol à accepter une administration britannique au Bengale, lever une armée, et conquérir Delhi en 1803. Sur ce sujet, cf. William Dalrymple, Anarchie. L’implacable ascension de l’East India Company, Éditions Noir sur Blanc, 2021.
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René Guénon et Martin Lings au Caire
juillet-août-sept. 2024