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ÉDITORIAL René Guénon

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Ganesha

Don du Dr Ananda K. Coomaraswamy au Musée de Brooklyn.

(Aquarelle sur papier, vers 1775-1800)

Coomaraswamy his life and work
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  Ananda K. Coomaraswamy 

à la fin de sa vie

A. K. Coomarawamy et René Guénon

                     

               Il n’est sans doute plus nécessaire de présenter Ananda K. Coomaraswamy (1877-1947) aux lecteurs de notre revue (1). Ils savent certainement que l’œuvre de René Guénon exerça sur le savant orientaliste (2), conservateur des Arts orientaux au musée de Boston, une influence intellectuelle profonde et bénéfique. Comme Pierre Ponsoye le remarquait : « Il accepta l’idée d’une vérité traditionnelle unique d’autant plus volontiers que ses recherches ne cessaient de la lui confirmer. » Pour se définir lui-même, il disait : « En fait, je pense tout à la fois comme un Asiatique et un Judéo-Chrétien, en sanskrit, en pâli, en perse, en chinois, en grec et latin. » Ce qui donne une idée de l’ampleur de sa perspective et de ses travaux. Cette influence de l’œuvre de Guénon a participé à faire de lui un des meilleurs connaisseurs de la tradition hindoue et des traditions occidentales de sa génération. La qualité de sa contribution à la connaissance des arts hindous, de la littérature et de la pensée orientale a d’ailleurs été mondialement reconnue (3).

                 Après 1936, le nom de Coomaraswamy est souvent revenu dans les références doctrinales et bibliographiques de Guénon. Michel Vâlsan évoquait même une conjugaison d’efforts entre Guénon et Coomaraswamy à propos des études de symbolisme (4). Il considérait que Coomaraswamy, qui entretint avec Guénon de longues relations intellectuelles et d’amitié par correspondance à l’instar de Charbonneau-Lassay, avait accompli dans le domaine de l’Hindouisme, et même plus généralement de l’Orient, ce qu’avait fait l’auteur du Bestiaire du Christ dans le domaine du Christianisme. (5) Ce qui pourrait faire réfléchir ceux qui mettent en doute la connaissance de l’Hindouisme par René Guénon.

 

L’œuvre de Coomaraswamy en France

 

           Ce n’est donc pas un hasard si, en France, ce fut dans la revue Études Traditionnelles, avec les excellentes traductions d’André Préau, puis de M. Gérard Leconte, que fut publié un nombre important de ses articles. Ce sont les intellectuels de mentalité traditionnelle, formés par l’enseignement de Guénon, qui ont fait connaître les travaux de Coomaraswamy en France, puis en Europe. Il est navrant d’observer qu’il n’a jamais été rendu hommage à ce travail de traduction alors qu’il n’est jamais venu que de ce côté. Ce qui en dit long sur la soumission du milieu des orientalistes français à une idéologie aussi dogmatique que frelatée. Par son silence, ce milieu témoigne que le but véritable de ses travaux n’est peut-être pas celui de la connaissance de l’Orient... Cette mentalité partisane l’a privé d’une ressource incomparable et a restreint ses possibilités de compréhension sur ce qu’il prétendait étudier. Dès lors, il est quelque peu pathétique que quelques-uns croient pouvoir parfois l’invoquer pour l’opposer à l’enseignement exposé par Guénon. En revanche, aux Cahiers de l’Unité, il est tout à fait naturel que nous poursuivions l’œuvre de nos prédécesseurs aux Études Traditionnelles

           Nous sommes ainsi heureux d’accueillir parmi nos collaborateurs un de ses nouveaux traducteurs qui étudie son œuvre depuis plusieurs années. Diplômé de philosophie et sanscritiste, M. Max Dardevet a déjà participé à développer une meilleure diffusion des écrits de Coomaraswamy par des publications sur son propre site : « Les Aurores chantent » (lesauroreschantent.com). Dans une traduction de qualité, et l’on sait que Coomaraswamy n’est pas un auteur facile à traduire, il propose ici un texte de 1944 dont Guénon avait donné un compte rendu, mais qui, à notre connaissance, n’avait jamais été publié en langue française.

L’erreur réincarnationniste

           

           Cet article présente un certain caractère d’opportunité. Il s’agit d’une réfutation de la réincarnation. Il en avait été question ici l’année dernière à propos d’un auteur qui avait cru pouvoir prétendre qu’elle devait s’entendre seulement au sens littéral (cf. S. Ibranoff, « M. Renaud Fabbri ou les limites d’une compréhension », section intitulée : « La lettre sans l’esprit (Réincarnation contre transmigration) », Cahiers de l’Unité, n° 13, 2019). Ce travail de Coomaraswamy, qui fournit de nombreuses références aux textes hindous et autres, prolonge et complète ainsi par celles-ci la réfutation doctrinale de René Guénon qui avait été rappelée à cette occasion. Il est sans doute inutile de préciser qu’aucun orientaliste français n’a jamais été capable de traiter de cette question (6). À titre de présentation, M. Dardevet nous propose une généalogie de l’idée de la réincarnation en Occident et en Inde. C’est une véritable mise au point qui permet enfin de comprendre comment et pourquoi cette idée fausse s’est répandue un peu partout.

Comment lire les travaux de Coomaraswamy

             Si Coomaraswamy est un auteur qui n’est ni facile à traduire ni aisé à lire, c’est parce qu’il rassemble un grand nombre de références à des textes souvent inconnus de la plupart des lecteurs, et qu’il les évoque seulement parfois d’un simple mot. En dehors des « spécialistes », beaucoup ne feront pas l’effort de consulter ces références, et ne pourront ainsi entrer dans la démonstration. Par exemple, lorsque Coomaraswamy aborde ici la Brihadâranyaka Upanishad (Upanishad du Grand Livre de la Forêt), qui est une des plus anciennes des douze Upanishad majeures, il met en garde contre l’erreur de supposer « que la “chenille” (« land leech ») du vers 3 est individuelle ». Si on ne connaît pas cette Upanishad et si l’on ne va pas y voir par soi-même, on passera à côté d’un point important sans comprendre ce qui est dit. En revanche, en lisant ce vers 3, on verra qu’il est au cœur du sujet traité. Pour faciliter la lecture nous avons donc quelques fois donné entre crochets le texte auquel il est fait allusion. Ceci afin d’inciter le lecteur attentif à se reporter aux références. Autrefois, il y avait des obstacles matériels qui pouvaient empêcher cette pratique, mais ce n’est quasi plus le cas aujourd’hui. De cette manière, une lecture approfondie permettra de constater que ces références ne sont pas de convention, mais intrinsèque à l’exposition de la réflexion de Coomaraswamy. Elles offrent un véritable profit à l’intelligence du texte.

La Maçonnerie opérative

               M. Pierre Notuma, dont on se souvient de l’article important sur « René Guénon et l’initiation maçonnique » (Cahiers de l’Unité, n° 13, 2019), continue à « rassembler ce qui est épars » pour « répandre la lumière » en ce qui concerne la Maçonnerie opérative de Clement Stretton, en poursuivant le travail de traduction qu’il a déjà eu l’amabilité d’offrir à nos lecteurs. Grâce à ses grandes qualifications dans le domaine maçonnique, il nous donne maintenant une traduction remarquablement annotée par ses soins de l’introduction de M. C. Debenham aux extraits de la correspondance de Clement Stretton parue autrefois dans le Speculative Mason.

 

Comment lire et comprendre le Coran en Occident              

           

              La traduction et l’étude par M. Jean-François Houberdon des commentaires du Cheikh al-Akbar sur le symbolisme initiatique du Qaba Qawsayn, qui touchent des points fondamentaux, s’articule naturellement avec le compte rendu d’un Dictionnaire du Coran récemment paru que nous propose M. Luc Desfontaines, un ami de la revue. Cette mise au point, séparant le bon grain de l’ivraie, répond à bien des questions. C’est un premier pas pour aider à mettre un terme à la compréhension déformée et souvent puérile du Livre sacré de l’Islam en Occident. 

              Le public un peu averti est au courant des évènements violents ou criminels qui surviennent régulièrement depuis quelques années maintenant en Occident, même s’ils sont souvent dissimulés en « faits divers » par des media aux ordres de gouvernements paralysés par des objectifs contradictoires et une idéologie « progressiste » servant à cacher des intérêts politiques et économiques (7). Ces sinistres évènements, probablement non sans relation avec l’ingérence directe ou indirecte, publique ou secrète, des Occidentaux dans les pays orientaux et en Afrique, sont actuellement engendrés par la présence anarchique et sans cesse grandissante en Occident d’un important sous-prolétariat oriental et sub-saharien, naturellement primaire et foncièrement raciste, pris en mains ou influencé par les sectes salafistes ou wahhabites, sectes dont le caractère malfaisant et anti-traditionnel n’a plus besoin d’être souligné. À la suite de ces violences et de ces crimes récurrents, il s’est développé l’idée que le Coran en serait responsable parce qu’il serait un texte essentiellement belliqueux et agressif, traductions de versets cités à l’appui. 

                On semble avoir oublié en Occident que la compréhension et l’interprétation des livres sacrés, au-delà des règles de la vie sociale et des obligations morales qui la fondent, comme des impératifs destinés à assurer des conditions posthumes favorables, ne relèvent pas du commun qui est en majorité bien incapable de comprendre par lui-même les subtilités de la Parole divine ou inspirée quelle que soit la forme traditionnelle considérée. Dans le cas du Coran, le fait d’en connaître des versets est un point distinct de sa compréhension. On peut même très bien le réciter tous les jours (les prières journalières des musulmans impliquent obligatoirement la récitation de sourates coraniques) sans le comprendre. Son rôle étant avant tout rituel. Ce point fondamental, et efficient dans plusieurs domaines qui n’a guère d’équivalent en Occident, est resté tout à fait incompris (8). Ainsi qu’en témoigne ce Dictionnaire, beaucoup d’intellectuels paraissent l’ignorer et n’osent aller à l’encontre de la doxa égalitariste moderne selon laquelle tout le monde pourrait tout comprendre selon l’ordre limité de la raison. 

          On peut rappeler que ce n’est pas là quelque chose de nouveau : dans le Catholicisme, le peuple ne lisait pas la Bible ; le magistère de la Parole était réservé au clergé (9). C’était lui le médiateur habilité à enseigner le peuple. C’est d’ailleurs pourquoi il fut si violemment combattu jusqu’au début du XXe siècle par les hérétiques et les athées (10). Nous ne disons certainement pas que la majorité des musulmans ne comprennent pas le Coran, mais, comme le rappelle M. Desfontaines, que l’intelligence qu’en a le peuple est dépendante d’un milieu traditionnel normalement sous l’influence ou le contrôle des autorités spirituelles traditionnelles. À cet égard, comme le signale avec justesse l’auteur, tout simple musulman normalement constitué, et à l’instar du peuple catholique pour la Bible en Europe à l’époque spirituellement lumineuse du moyen âge, « sait ce que le Coran considère comme bien et comme mal, les vertus à développer et les défauts à éviter. » 

           Néanmoins, l’interprétation d’un livre sacré, dès lors qu’elle va au-delà de certains points, ne peut être laissée à la liberté de chacun pour la raison évidente que l’on peut faire dire tout ce que l’on veut à n’importe quel texte. L’exégèse de la Bible par les différentes sectes protestantes en est un exemple frappant (11). C’est précisément parce que la situation est anormale, et elle l’est encore plus en Occident où les transmissions interpersonnelles de compréhension sont fragmentées et détournées, et que les structures de l’autorité traditionnelle exotérique n’existent pas, ou ne remplissent plus leur fonction comme en Orient, que l’idéologie des sectes pseudo-islamiques peut jouer son rôle dans la situation actuelle. M. Desfontaines est donc parfaitement fondé à déclarer que seul désormais le recours aux enseignements du Soufisme, dont celui du Cheikh Al-Akbar Ibn ‘Arabî occupe le centre, « est la seule solution pour franchir ces obstacles ».

 

 

Julien Arland

Directeur littéraire

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Pour citer cet article :

Julien Arland, « Éditorial », Cahiers de l’Unité, n° 18, avril-mai-juin, 2020 (en ligne).

 

© Cahiers de l’Unité, 2020

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